Jack Layton et le NPD sont en hausse dans les sondages à la veille de l'élection générale du 2 mai au Canada. Pourtant, les récents problèmes de santé du chef des Néo-Démocrates faisaient en sorte que c'est cette formation politique qui avait le moins intérêt à faire face à un scrutin au moment présent. Les observateurs de la scène politique ne donnaient pas cher de leur peau et certains évoquaient même la quasi-disparition de ce parti aux idées gauchistes. Mais voilà, un vent de changement souffle dans quelques régions du pays, y compris au Québec. Les gens sont cyniques envers les vieux partis qu'ils jugent corrompus ou à la solde des puissances d'argent. Un bon nombre de Québécois semblent s'être lassés du Bloc et de ce que Gilles Duceppe peut leur apporter concrètement. Encore pris dans les relents de la dernière récession, les Conservateurs ne parlent que de reprise économique, d'autant plus que le Premier Ministre Harper est dans son élément quand il discourt là-dessus, puisqu'il est économiste de formation. Mais il n'y a pas que des enjeux économiques dans notre société. Les difficultés de notre système de santé, les problèmes sociaux et la qualité de notre environnement préoccupent également les Canadiens. Les Libéraux parlent du gaspillage des fonds publics et du manque d'éthique du gouvernement, mais ils ne sont guère crédibles puisque la population les associe encore au scandale des commandites. Leur chef Michael Ignatieff ne semble pas non plus passer la rampe auprès du public. Il a manifestement un problème d'image.
Le Bloc et le PLC sont vraiment en difficultés pour qu'ils jugent nécessaires de lancer un SOS à de vieux politiciens dépassés comme Jacques Parizeau et Jean Chrétien. Si, comme les Américains avec Obama aux USA, les Canadiens veulent du changement, ce n'est pas en ramenant en avant-scène de tels dinosaures que les bloquistes et les libéraux vont séduire l'électorat. Les Conservateurs ont une base électorale solide dans l'Ouest et ils pourraient même faire des gains en Ontario en raison de la faiblesse des Libéraux. C'est aussi dans ces régions que leur discours économique sera le mieux reçu parce que c'est là que le gouvernement s'est montré le plus généreux (subventions aux pétrolières et aide au redressement de l'industrie de l'automobile). Mais ailleurs, dans les coins les moins favorisés du pays, le programme du NPD, axé sur une meilleure redistribution de la richesse collective et une amélioration des mesures sociales, trouvera des partisans. Surtout après la récession que nous avons connue et qui a laissé des traces. Comme le disait Layton durant les débats télévisés plus tôt dans la campagne électorale, tout est une question de priorité, de ce que l'on fait avec l'argent des taxes et des impôts. Je crois qu'il a cogné sur le bon clou en disant que les vieux partis sont au service des grosses entreprises et des mieux nantis de notre société. Layton semble sympathique aux yeux des gens ordinaires alors que Harper et Ignatieff semblent froids et mal à l'aise en public. Le chaleureux et accessible "bon Jack" profite de ses talents de populiste pour attirer le vote de l'électorat de la classe la moins bien nantie, de même que celui de la classe moyenne.
Cela fait quand même bizarre de voir que les idées de gauche véhiculées par le NPD trouvent preneurs au moment où celles de la droite semblent si bien ancrées depuis quelques années au Canada. Peut-être que les électeurs voteront surtout pour le chef néo-démocrate sans trop connaître ses orientations politiques ou sa plate-forme électorale. Il est vrai que bien des items de son programme sont flous et difficiles à évaluer en termes de finances publiques. Mais Layton est un politicien chevronné qui, comme Obama chez nos voisins du sud, sait comment parler et comment convaincre le monde ordinaire. Surtout quand les conditions sont bonnes et que le momentum est de son bord. Son autre grand atout, c'est qu'il arrive souvent que des gens blasés et écoeurés votent bien plus contre un gouvernement que pour un nouveau parti. Au niveau national, le NPD n'a pas à défendre un bilan entaché par des scandales et des coches mal taillées puisqu'il n'a jamais été usé par le pouvoir.
L'écrivain français Jean Guéhenno (dans son livre CHANGER LA VIE) a décrit savamment ce phénomène du beau parleur qui sait séduire les masses populaires ou ses interlocuteurs : «Celui qui parle le mieux l'emporte toujours, et c'est un bien bel art que celui de savoir rendre petites les choses grandes et grandes les choses petites, de rester en toutes circonstances, le maître des définitions, et de fixer l'ordre et la règle.»
Layton et le NPD ne remporteront pas l'élection du 2 mai prochain, mais ils risquent d'en être les grands gagnants, eux qui devaient en être les grands perdants. S'ils forment l'opposition officielle à Ottawa (surtout si le gouvernement est minoritaire), je pense que ça peut enrichir la qualité des débat démocratiques à la Chambre des Communes et ça peut aussi favoriser des échanges plus constructifs pour le bien du pays et de ses habitants.
1 commentaire:
Entièrement d'accord.
Je suis dans un groupe de travail qui a reçu le débuté du Bloc Québécois Roger Gaudet.
Quand je lui ai demandé ce qu'il pensait de la montée du NPD, il n'a rien trouvé de mieux à dire que la population le prenait en sympathie due à son opération pour le cancer dont il a été victime.
Le plus marrant était de lui voir la face quand je lui ai répliqué que je croyais que les gens votaient pour un parti et ses idées et non pour ceux qui les regarde de haut...
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