jeudi 6 mai 2010

À QUOI SERT LE POUVOIR SI L'ON NE PEUT PAS EN ABUSER ?


Pour demeurer sain d'esprit, il ne faudrait pas y penser. Et de fait, ici comme ailleurs, on y pense de moins en moins...à ces malades qui nous gouvernent. Le taux de votation aux élections générales est à la baisse un peu partout. Dans certains pays démocratiques, il est même tombé sous la barre des 50%. On a beau dire que si les citoyens ne s'occupent plus de la politique, la politique s'occupera d'eux, et pas nécessairement dans leur intérêt, cela ne semble pas convaincre beaucoup de gens, encore moins les plus jeunes. On prétend également qu'en ne se rendant pas voter aux élections, les contribuables ne devraient pas avoir le droit de "chiâler" contre les gouvernements. Mais ça ne les empêchera pas de le faire quand même.

Mais comment ne pas être écoeurés des luttes de pouvoir qui conduisent à des abus, des scandales, et des injustices qui éclatent parfois au grand jour mais qui ne représentent peut-être que la pointe de l'iceberg. Peu importe, blasés comme ils le sont, les cochons payeurs de taxes aiment mieux ne pas trop connaître la profondeur de la pourriture morale de leurs administrations publiques. Ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal. À moins que le pouvoir politique dépasse les bornes et qu'il heurte directement les gens en les faisant payer très cher pour sa mauvaise administration, son incompétence et sa malhonnêteté, comme c'est le cas du gouvernement de la Grèce, ces jours-ci.


Ah ! Nous ne sommes plus au temps des tyrans qui terrorisaient les populations de l'antiquité. Nous sommes loins des barbares qui pillaient l'Europe au moyen âge. Nous n'avons plus affaires aux dictateurs du milieu du 20e siècle, qui ont failli conduire le monde à sa perte. Maurice Duplessis (photo ci-dessus) a utilisé la propagande et des moyens pas très "catholiques" pour manipuler la population du Québec et s'adjuger le pouvoir absolu en soumettant à sa poigne de fer les détenteurs des pouvoirs économiques, judiciaires et religieux. Mais malgré ses méthodes brutales qui inspiraient la peur, le "Cheuf" était encore vénéré par une majorité de Québécois, à sa mort, en 1959, parce qu'il avait imposé son image de "Père de la nation" défenseur des "intérêts supérieurs" de la race. Plus qu'un père, il était pratiquement considéré comme un roi. De fait, sa dévotion à St-Joseph l'aidait à passer pour un souverain de droit divin.

Longtemps après la révolution française qui avait chassé les rois de France, détenteurs d'un pouvoir absolu, les Canadiens français étaient toujours, dans le fond, des admirateurs de la monarchie... D'un homme fort faisant figure de roi. Malgré l'évolution ou le raffinement des moeurs politiques d'aujourd'hui, sommes-nous vraiment à l'abri des abus de cette époque que l'on a baptisé "la grande noirceur" ?


Que pensez de cette première mondiale, en 1996, dans notre beau grand pays démocratique qu'est le Canada, d'un premier ministre (Jean Chrétien) perdant les pédales et s'attaquant personnellement à un manifestant (Bill Clennett) venu contester pacifiquement ses politiques sociales ? Ayant brisé une partie de la dentition de sa victime, le p'tit gars de Shawinigan ne s'est jamais excusé et il a fait payer les dégâts (plus de $ 650) par la GRC, c'est-à-dire, nous-autres. Si vous pouvez vous conduire comme un voyou en vous en prenant physiquement aux gens, vous pouvez faire bien autre chose de mal... Chrétien a mis un terme à sa longue carrière politique (plus de 40 ans) au milieu du célèbre scandale des commandites. Le pouvoir corrompt même les chrétiens, et même le pape !


Le scandale des prêtres pédophiles, qui secoue présentement l'Église, est connu des autorités religieuses depuis plus de quarante ans. Le vrai scandale c'est que les plus hautes instances du pouvoir religieux aient protégé des criminels, souvent en les changeant plusieurs fois de paroisse quand on pensait que les fidèles pouvaient commencer à se douter de leurs méfaits. En faisant ainsi du "cover up", on multipliait le nombre des victimes, dont certaines se sont suicidées ou ont gardé des séquelles graves qui ont ruiné toute leur vie.

Mais dans les années soixante et soixante-dix, la religion exerçait encore une forte emprise sur les esprits, et les victimes qui auraient osé se plaindre auraient été discrédités ou elles auraient été accusées de mentir et de pécher. Elles n'auraient pas pesé lourd à côté du faste de la Sainte Église du temps, chargée de sauver leur âme. Les Québécois étaient des brebis obéissantes, adorant le spectacle des évêques se promenant en grandes pompes dans des décors somptueux, avec leur mitre et leur crosse, sortes d'auréole et de baguette magique. Toujours cette vénération et cet amour baignés de crainte pour des hommes forts, se faisant rassurants par leur toute puissance, comme les roi-dictateurs de la politique.


Dans le même ordre d'idée, mais à un niveau autrement plus élevé et dangereux, l'ex-président américain George W. Bush a lui aussi fait croire n'importe quoi au monde, en cachant la vérité. On cherche encore les fameuses armes de destruction massive qu'il prétendait avoir vu en Iraq, et au nom desquelles tant d'hommes, de femmes et d'enfants ont perdu tragiquement la vie au cours de la guerre que ce mensonge a causée. Et ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres, de manipulation de l'opinion publique par une machine de propagande bien huilée, bénéficiant de l'aide des médias. Mais les gens aiment ces démonstrations de force sous le couvert de patriotisme anti-terrroriste, de la part de la première super-puissance mondiale qui agit comme gendarme de la planète.


En France, Nicolas Sarkozy a profité de la force de son verbe, et de son habileté à haranguer les foules, pour jeter de la poudre aux yeux des électeurs et s'emparer du pouvoir. Un pouvoir qu'il exerce de façon flamboyante et en voulant imposer un culte de la personnalité, un peu comme les monarques d'autrefois. Autoritaire, il n'aime guère la critique, comme on a pu le constater lorsqu'il y est aller de son fameux "casse-toi pauvre con" à l'endroit d'un agriculteur qui, par principe, refusait de lui donner une poignée de main. Ce n'est pas sans rappeler un autre paon de la politique, un dénommé Lucien Bouchard, qui s'était lui aussi offusqué de ce qu'un citoyen refuse de le saluer en lui donnant la main. "Vous ne connaissez pas la politesse, monsieur ?" avait tonné le premier ministre québécois, se retournant vers ses aides de camp en leur demandant d'un air furieux : "c'est qui ce gars-là ?" S'il avait régné au moyen-âge, sa majesté Bouchard 1er aurait sûrement fait battre ou emprisonner ce pauvre impoli, coupable de lèse-majesté. Mais dans les cas de Sarkozy et de Bouchard, le charme semble s'être rompu entre eux la "populace". Si bien que Sarko imitera probablement Lucien et se retrouvera, comme lui, dans un cul-de-sac.


Plus près de nous, à Ottawa, le premier ministre Stephen Harper ne s'enfarge pas non plus dans les fleurs du tapis. Et il ne fait pas dans la dentelle en menant son pays "à droite", selon la mentalité de "la loi et l'ordre". Il est aussi cassant, sinon plus, que tous les politiciens que je viens de citer ici. Il peut bêtement bousculer les traditions en prorogeant la session parlementaire soi-disant à cause des jeux olympiques. Il peut traiter cavalièrement la gouverneur général et, un peu comme Duplessis en son temps, décider quels journalistes auront le droit ou le privilège de lui poser des questions, sur un sujet choisi et délimité selon des conditions précises et sévères. J'ai failli avaler mon stylo l'autre jour, quand je l'ai entendu énoncer un diktat selon lequel ce n'est pas à la presse de contrôler le message du gouvernement ! Pfiou ! Dans ce cas, on parle de propagande et on revient presque à la période de la Grande Noirceur. Ou à un état de république de bananes... Visiblement, même à la tête d'un gouvernement minoritaire, Harper peut se permettre d'être insolent, étant donnée la faiblesse de l'opposition. Il semble faire sienne l'assertion voulant qu'en contrôlant l'information, on contrôle le pouvoir...

Dans un article précédent, j'ai rapporté l'aventure du maire de la ville de Québec, le caricatural Régis Labeaume, avec un aristocratique faiseur d'image vedette du nom de Clotaire Rapaille. Ça s'est mal terminé. Un journaliste du quotidien LE SOLEIL, faisant une simple vérification des informations contenues dans le curriculum vitae de Rapaille, a découvert que le coloré personnage avait "embelli" ses états de services, frôlant ce que l'on pourrait appeler à la limite, de la "fausse représentation". La mairie avait négligé de faire ces vérifications diligentes et l'orgueilleux premier magistrat de la vieille capitale aurait dû prendre le blâme pour cette faute. Au lieu d'avouer qu'il avait été victime d'un beau parleur, Labeaume s'en est plutôt pris aux messagers, c'est-à-dire aux médias qui l'ont pris en défaut. Très vindicatif et refusant de reconnaître ses torts, il est entré dans une colère noire au cours d'une conférence de presse qui n'a rien fait pour redorer son blason. Accusant les scribes de pratiquer un "journalisme de colonisés", d'être des "poltrons" et des "spécialistes à cinq cennes", l'homme de petite taille aux grandes ambitions, que l'on qualifie humoristiquement de Napoléon Bonaparte Québécois, a dépassé les bornes en multipliant les attaques personnelles mesquines et méchantes contre certains membres de la presse. La Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec a d'ailleurs exigé des excuses pour ces paroles blessantes, indignes de l'honorabilité de la charge publique qu'un maire doit assumer. Un sondage a par la suite révélé que la population de Québec condamnait les propos virulents de Labeaume à l'endroit des journalistes, mais qu'elle lui accordait toujours sa confiance. Le bouillant politicien a fini par s'excuser, du bout des lèvres, pour sa sortie aux allures de règlements de compte.

Il n'en demeure pas moins qu'il fait lui aussi partie de ces hommes publiques qui détestent l'opposition et qui n'acceptent guère d'être contredits. Ils considèrent que les médias devraient être à leur service. Ils voudraient que leurs communiqués de presse soient gobés et publiés, sans rechigner, par des journalistes paresseux qui n'ont pas à contester l'autorité établie. En fait, ils désirent que les médias, que l'on reconnaît de nos jours comme étant le quatrième pouvoir (après les pouvoirs politiques, économiques et judiciaire) se mettent au service de leur propagande. Qu'ils deviennent des outils de leur propre pouvoir.

Comme le disait si bien Coluche, le regretté humoriste français, qui, il y a plusieurs années, avait osé se moquer de la classe politique en se présentant à une élection présidentielle : «À quoi sert le pouvoir, si ce n'est pour ne pas en abuser.» N'entendant pas à rire, ses rivaux, des politiciens de profession, s'étaient déchaînés contre ce "bouffon" qui voulait miner dangereusement leur crédibilité. Et qui avait réussi à le faire, même si son but n'était pas sérieux ! Depuis ce temps, à travers des spectacles ou des émissions d'humour toujours plus nombreuses et sarcastiques, les politiciens sont raillés quotidiennement par des parodies de toutes sortes. Les scandales et les accusations de corruption qui font régulièrement les manchettes, contribuent également à donner le mauvais rôle, ou une mauvaise réputation, aux politiciens. La population n'a pas confiance en eux, et elle voit la politique comme une farce tragi-comique ou cynique. Elle répond de moins en moins aux appels aux urnes, et beaucoup de citoyens deviennent à leur tour des "fourreurs du système", pour emprunter une expression du maire Labeaume au sujet des fonctionnaires de "sa" ville. Cela se traduit, comme en Grèce présentement, à une rupture du contrat social entre citoyens et gouvernants. Rupture provoquée par la fraude généralisée, l'absence de confiance envers les élus, et une trahison des devoirs de chacun à l'égard des responsabilités collectives.

Dans la vie de tous les jours, ça se traduit par le travail au noir qui prive le gouvernement de sommes considérables en revenus de taxes et d'impôts. Ce sont ces riches hommes d'affaires ou ces commerçants spécialistes de l'évasion fiscale, qui cachent leurs millions dans des paradis fiscaux. C'est encore, par exemple, cet éleveur de moutons, qui réclame des subventions pour une centaine de bêtes alors qu'il n'en a que cinquante. C'est ce propriétaire d'un troupeau de bovins qui empoche le double des subventions auxquelles il a droit en déplaçant occasionnellement son bétail, de l'une à l'autre de ses deux fermes, pour faire croire aux inspecteurs gouvernementaux qu'il a deux troupeaux... C'est cette voisine, dont les fleurs magnifiques font l'envie des gens du quartier. Elle les a "piquées" (volées) sans vergogne dans les jardins publics de la ville. "Tout le monde le fait" dira-t-elle pour justifier ses actes, tout en n'ayant pas le moindre remord de conscience civique...(puisqu'elle n'en a aucune)...

Tout ça fait boule de neige et érige la corruption en mode de vie qui peut ruiner un pays entier. "Après moi le déluge" et "au plus fort la poche" semblent les devises du commun des mortels, aujourd'hui. Cet individualisme exacerbé, cette malhonnêteté de plus en plus répandue et cet égoïsme à outrance ont des conséquences néfastes pour nos sociétés modernes axées sur la sur-consommation et les apparences, et bâties sur un consensus fragile. Si nous jugeons que nos gouvernements sont pourris et corrompus, il faudrait nous regarder collectivement dans le miroir pour vérifier s'ils ne sont pas le simple reflet de notre propre image...

C'est un cercle vicieux : plus nous mépriserons nos représentants politiques, plus nous découragerons des personnes de valeur de se présenter aux élections pour servir le bien public. En l'absence de leaders forts, capables d'inspirer la population en mettant de l'avant des valeurs nobles et essentielles à la vie en société, nous courons au devant de graves difficultés. Le "je-m'en-foutisme" général n'est pas une solution à nos problèmes. C'est une attitude facile dans une société démocratique basée sur une généreuse Charte des droits et libertés. Mais cette manière de faire devient de l'irresponsabilité et un danger pour nos enfants quand elle fait fi des devoirs que nous avons envers les générations futures... Cela a un prix. Un prix qui sera d'autant plus élevé si nous payons par carte de crédit en nous contentant de verser le paiement minimum. On sait que ces paiements partiels ou ces défauts de paiement entraînent des pénalités ou des coûts prohibitifs en vertu de forts taux d'intérêt. À force de toujours retarder l'échéance des paiements, on risque de ne plus être capables de payer la note et de devoir faire faillite. Une faillite de pays "riches" vivant au-dessus de ses moyens qui, à la différence des individus déclarant une faillite personnelle, ne verra pas ses dettes accumulées s'effacer comme par magie. Et ça, c'est douloureux... Parlez-en aux Grecs... Vous pouvez donner des bonbons à des enfants, mais...essayez de leur enlever ensuite ! Vous aurez droit à une toute une crise de nerfs et de larmes !