lundi 27 août 2012

ÉLECTIONS QUÉBEC 2012 : VOTONS POUR MICHOU !


«La majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections». Jean Mistler, extrait de : Bon Poids.

Les Québécois iront aux urnes le 4 septembre prochain et ils tenteront de porter au pouvoir le moins pire des trois principaux partis qui se font la lutte. Bon, même s'il livre une bonne campagne pour sa formation politique, le premier ministre sortant, Jean Charest, prend de plus en plus de retard dans la course électorale. Il en est pratiquement réduit à tenter de sauver les meubles, c'est-à-dire à préserver les comtés habituellement assurés aux rouges. Mais malgré tous ses efforts, même la clientèle électorale, qui lui est normalement acquise, lorgne du côté de la Coalition Avenir Québec (CAQ) dirigée par François Legault. Il faut dire que Charest et son parti Libéral avaient déjà trois prises contre eux (pour utiliser une populaire analogie avec le base-ball) dès le déclenchement des élections provinciales. D'abord, l'usure de neuf ans passés à la direction de l'État. Ensuite, les lourdes allégations de corruption qui pèsent sur eux. Enfin, le fait de convoquer les électeurs aux boîtes de scrutin avant que la Commission Charbonneau reprenne ses travaux (à la mi-septembre) et les mette encore plus dans l'embarras par des révélations gênantes au sujet de leur copinage avec des corrupteurs, et le financement de leur caisse électorale avec de l'argent sale... Cette combine électorale est lâche et elle a sûrement dégoûté bien des Québécois. Résultat ? Monsieur Charest va probablement connaître l'humiliation d'être battu dans son comté de Sherbrooke malgré les vaillants efforts de sa conjointe, Michèle Dionne (surnommée Michou), qui fait campagne à sa place, quand il est ailleurs au Québec pour courtiser les électeurs.

Perdre dans sa circonscription : voilà à quel point le peuple en a ras-le-bol de Charest, et de son administration. Le fait que neuf de ses ministres aient démissionné ou aient choisi de ne pas briguer de nouveau les suffrages, démontre aussi que le chien de Charest est mort depuis déjà un bout de temps. L'attitude désinvolte du premier ministre lors des grèves étudiantes du printemps passé, a achevé de couler le bateau libéral. Sa farce d'imbécile quand les étudiants manifestaient aux portes d'un congrès sur le Plan Nord (il a dit en riant qu'il leur trouverait des emplois dans le Nord) a jeté de l'huile sur le feu et a provoqué inutilement les grévistes.

Mais en tenant l'élection avant la reprise de la Commission Charbonneau, les Libéraux évitent peut-être aussi le pire, soit le même sort qu'ont connu leurs grands frères du Parti Libéral Fédéral, une quasi-disparition de la scène politique à cause du scandale des commandites. Les erreurs et les maladresses de leurs rivaux péquistes et caquistes, durant la campagne électorale en cours, va possiblement les aider également à ne pas tout perdre.



La CAQ et son chef François Legault ont connu un bon début de campagne. En présentant quelques candidats vedettes ainsi qu'un programme audacieux, le leader du nouveau parti, né d'un regroupement de candidats de la défunte Action Démocratique du Québec (ADQ) et de personnes déçus des autres formations politiques, (sans oublier non plus des opportunistes) a fait flèche de tout bois. Mais au fur et à mesure du déroulement de la campagne, Legault et quelques autres ténors de la CAQ ont fait des déclarations malheureuses contre les femmes (rappelons sa plaisanterie douteuse au sujet de son idée de devoir peut-être porter de plus belles "cravates" pour attirer le vote féminin), contre les jeunes, qui ne travaillent pas assez fort, contre les syndicats, qu'il veut "acheter" en retour des coupures qu'il veut faire dans les rangs de leurs membres. Le pari de la CAQ d'assurer un médecin de famille à tous les Québécois dès la première année d'un hypothétique premier mandat, sème également beaucoup de scepticisme parmi la population. C'est aussi le cas des projets caquistes d'abolir les agences de santé et les commissions scolaires. Par surcroît, payer plus cher les médecins et les professeurs attiserait certainement l'envie des autres catégories de travailleurs de l'État, qui demanderaient aussi des hausses salariales lors du renouvellement de leurs conventions collectives. Mais, Legault et sa bande ont réussi, malgré leurs propositions pas mal irréalistes, à incarner le changement face aux vieux partis et en se faisant rapidement connaître à l'électorat. Comme la majorité des politiciens qui veulent s'imposer, Legault a ressorti la vieille mais éprouvée formule du changement. "Changer pour changer". Comme Obama, aux États, il y a quatre ans. Legault lui a même emprunté son fameux YES WE CAN.


Même si l'expérience du pouvoir, ainsi que celle de parti d'opposition officielle, leur fait défaut, les caquistes retournent cette carence à leur avantage en affirmant qu'ils sont "propres" et qu'ils ne doivent rien à personne. C'est le "tout nouveau, tout beau", en se donnant une image de monsieur Net qui va faire le ménage. Petit à petit, la CAQ et son chef, tout à fait "premier ministrable", gagnent la confiance des électeurs. De ceux qui répugnent à voter pour un parti libéral usé et corrompu, ou pour les séparatistes péquistes qui menacent la cote de crédit de la province avec leurs référendums sectoriels à répétition.



En tête dans les sondages depuis le lancement de la campagne électorale, "grand-maman" Marois pensait cueillir le pouvoir comme un fruit mûr, comme ce fut le cas pour Charest en 2003. Depuis trente ans, la règle "naturelle" de l'alternance redonne tour à tour le "volant" de l'État aux deux vieux partis. Quand les gens sont écoeurées du PLQ, ils élisent le P.Q., et vice versa. Ce n'est jamais le parti de l'opposition qui gagne les élections, c'est toujours le parti au pouvoir qui les perd. Il suffit d'être patients, de ne pas faire de gaffes et de capitaliser sur les mauvais coups des adversaires. C'est la stratégie qu'a adoptée Pauline Marois et ses sbires depuis le début de la campagne. Ménager les susceptibilités de sa clientèle et de ses alliés traditionnels, ne pas faire trop de promesses sauf celle de prendre soin des Québécois, comme une bonne grand-maman. Copier aussi un peu le président Hollande en France en projetant une image de "rassembleur". Sauf que ça ne fonctionne pas tellement pour elle. Dans les sondages, madame Marois arrive au 3e rang quand on demande qui ferait le meilleur premier ministre. Se classer derrière Charest, faut le faire ! Même si elle travaille d'arrache-pied afin de faire oublier son statut ou son image de "bourgeoise", elle ne parvient pas à passer pour une femme proche du peuple. La stratégie référendaire du PQ est aussi une aiguille dans le talon de mamie Pauline. Personne ne comprend cette histoire confuse de référendums d'initiatives populaires (RIP). Les péquistes eux-mêmes semblent aussi impuissants à démêler cet écheveau inextricable. C'est leur marque de commerce. Rappelez-vous des questions référendaires emberlificotées en 1980 et en 1995. Le PQ aurait intérêt à imiter Stéphane Dion et à se doter d'une loi sur la clarté de la question référendaire ! À moins que le PQ veuille continuer de berner les Québécois en proposant une sorte de souveraineté-association-qui-n'est-pas-tout-à-fait-l'indépendance-mais-quelque-chose-comme-une-inter-dépendance-libre-en-gardant-l'argent-et-le-passe-port-canadiens-pis-d'autres-machins-trucs-itou...

Il ne faut pas négliger les tiers partis, surtout Québec Solidaire. La belle performance de sa co-porte-parole, Françoise David, au premier débat des chefs, a fait connaître le parti à un plus large public. Si bien que madame Marois voit, avec horreur, le danger que Québec Solidaire gruge une partie du vote péquiste. Cette division du vote, surtout sur l'île de Montréal, pourrait causer sa défaite ou l'empêcher de former un gouvernement majoritaire.

Moi, en tout cas, je trouve qu'aucun des partis en lice n'est digne de diriger le Québec. Les uns sont confus, les autres sont corrompus ou manquent de crédibilité. J'annonce donc que, comme bien du monde, je voterai sur l'image. La belle image de Michou, que je trouve bien à mon goût. Sur mon bulletin de vote, je vais ajouter son nom en dessinant un coeur à côté. Pis je vais faire une belle croix dedans ! Michou pour présidente !

«Les élections, ce n'est que de la poudre aux yeux. Les partis changent, mais à l'intérieur, derrière les portes fermées, ils s'entendent et distribuent des rôles». Alice Parizeau, extrait de : Blizzard sur Québec.

vendredi 4 mai 2012

DÉBAT ENTRE SARKOZY ET HOLLANDE : QUELQUES MOTS DE TROP DU PRÉSIDENT SORTANT.


Les Français trouvent souvent les Québécois rigolos "avec leur accent" et leur façon pittoresque de s'exprimer. Les "cousins", qu'est-ce qu'ils sont marrants et "sympa", s'empressent-ils d'ajouter, d'un ton plutôt condescendant, lorsqu'ils rencontrent des gens du Québec, leur ancienne colonie d'Amérique. Ce qu'ils ignorent peut-être, c'est que c'est réciproque. Les Québécois se bidonnent tout autant en observant les "maudits français". À commencer par leur président, Nicolas Sarkozy, qui fait sourire et rire par ses emportements, ses coups de gueule, ses tics nerveux, ses excès d'orgueil et ses abus de pouvoir (comme en témoigne la photo ci-dessus !). Un peu comme des membres de la parenté qui se tapent un peu sur les nerfs mais qui, dans le fond, s'aiment bien quand même, on se montre curieux et on tient à garder un oeil sur ce qui se passe de part et d'autre, des deux côtés de l'Atlantique. C'est ainsi que, histoire de me mettre à jour sur ce qui se passe en France, je ne voulais pas manquer le débat télévisé de mercredi soir entre Sarkozy et Hollande, avec à l'enjeu la présidence du pays de nos ancêtres pour les cinq prochaines années.

La joute oratoire que ce sont livrée les deux candidats à l'élection présidentielle de dimanche prochain a été franchement intéressante. J'ai trouvé que, tactiquement, le candidat de la Gauche a été très habile. Forçant constamment le président sortant à défendre son bilan (ce que monsieur Sarkozy a fait vigoureusement), François Hollande ne lui a guère laissé le loisir de nous faire découvrir son programme pour l'avenir. L'impression que cette stratégie a laissé dans l'esprit des 17 millions de téléspectateurs, c'est que c'est le candidat socialiste qui incarne le renouveau et le changement face à la situation difficile dans laquelle se retrouve l'état français.



Au fond, monsieur Hollande a dit ce que les Français voulaient entendre. Ce qui est un gage de succès pour convaincre le public et gagner une élection. Lucide et conscient des lourdes responsabilités qui l'attendent s'il devient président de la République, il n'a pas caché que le peuple de France devra vivre une période d'austérité avant d'espérer se sortir de la crise dans laquelle toute l'Europe est plongée. Droite et Gauche ont leurs partisans indéfectibles. Pour gagner l'élection il faut faire voter en sa faveur les centristes et les indécis. C'est pourquoi monsieur Hollande a joué la carte du candidat du rassemblement, de la mobilisation de tous les Français, de la justice sociale et fiscale, du redressement économique. Bien sûr il faut diminuer les dépenses de l'État face à l'hydre de la crise des dettes souveraines. Mais l'adversaire du président a souligné que, à trop vouloir couper dans des services comme l'éducation et la gendarmerie, on augmente le chômage, ce qui, à son tour, a des conséquences néfastes sur la consommation et la croissance économique. Si tous les gouvernements font des coupures drastiques au même moment, on est pas plus avancé et on peut même retourner en récession.

Plus que les guerres de chiffres et d'argumentation, qui sont assez complexes et qui ont pu rebuter plusieurs téléspectateurs, c'est la personnalité des deux chefs qui est ressortie lors de ce duel assez corsé. C'est d'ailleurs souvent le cas. À les entendre s'accuser de dire des faussetés ou des demi-vérités, on en vient à douter nous-mêmes de leurs paroles. Restent alors des impressions, une image, un sentiment qui persistent après avoir entendu et vu les deux hommes se disputer la faveur du public. Moi, qui, comme canadien, est plutôt neutre dans cette bataille présidentielle, j'ai d'abord été impressionné de voir Sarkozy défendre si âprement son quinquennat. Il possède bien ses dossiers, ce qui est un peu normal pour un président en exercice. Mais c'est le ton qu'il a employé qui m'a déplu, au fur et à mesure que le débat de deux heures 45 minutes avançait. Pourquoi a-t-il été si désagréable avec son interlocuteur ? On veut bien croire qu'il devait être agressif puisque les sondages le donnent perdant, quelques jours avant l'élection, mais il a exagéré.

Mais, ce faisant, en adoptant une attitude belliqueuse et parfois mesquine, il ne s'est pas rendu service. En traitant son adversaire de menteur (à plusieurs reprises), de "petit calomniateur", et de Ponce Pilate, monsieur Sarkozy n'a pas élevé le niveau du débat. Bien au contraire. Ces mots ne sont pas dignes d'un chef d'état. Sarko a dépassé les bornes de l'acceptable et du fair play. En fait, dans ces écarts de langage et ces excès de combativité, on a bien reconnu le Sarkozy colérique et cassant dont se sont tant inspirés les humoristes. On a revu le Sarkozy "casse-toi pauvre con" qui a fait le tour de la planète via YouTube. Un Sarkozy pas très populiste, pas près des gens humbles du peuple. Curieusement, avant son élection en 2007, cette agressivité de "coq" français a pu contribué à le faire élire. Aujourd'hui elle lui nuit. Hollande a bien exploité ces défauts ou les perceptions négatives qui minent maintenant l'image du candidat de la Droite.

Pour moi, le point tournant du débat a été la fameuse tirade de trois minutes de François Hollande au cours de laquelle il a amorcé une quinzaine de phrases assassines par les mots "Moi, président de la République je...". En brossant un éloquent portrait du style de président qu'il serait, il a visé chaque fois un point faible de son opposant. Des coups bien placés et des arguments pertinents qui ont atteint la cible et qui me font croire que Sarkozy est cuit. Avec des formules frappantes comme "Sarkozy président de tout, responsable de rien", monsieur Hollande a frappé les esprits et emporter leur adhésion à sa cause. Le délicat point concernant le financement amoral de la caisse électorale du parti du président, a été une attaque durement ressentie par celui-ci. Même chose pour le favoritisme dont aurait fait preuve le candidat de la Droite à l'égard de ses amis ou des amis du pouvoir. Que ces assertions soient vraies ou pas, elles ont semé le doute dans les esprits des électeurs. Et qui dit doute dit manque de confiance. Un manque de confiance qui causera vraisemblablement la perte de Sarko.

Bien sûr, au Québec comme en France et dans beaucoup d'autres états démocratiques, c'est le gouvernement qui perd une élection. Ce n'est pas l'opposition qui la gagne. Surtout lorsque la conjoncture économique est cauchemardesque comme elle l'a été dernièrement. C'est bien connu : le pouvoir use et corrompt. Contrairement au président américain, Barack Obama, dont la réélection cette année semble assurée, parce que son adversaire républicain ne semble pas de taille à l'affronter, le président Sarkozy n'aura pas ce luxe devant le très "présidentiable" François Hollande. Ce dernier prend bien soin de ne rien brusquer, de ne pas s'aliéner le vote ethnique (son approche des problèmes d'immigration est plus "douce") et de capitaliser sur les points faibles de son rival. Il apparaît plus ouvert et conciliant. Il est plutôt détendu et positif, et il ne semble pas assoiffé de pouvoir comme son via-à-vis. Les politiciens sont des illusionnistes et, dans cette élection, Hollande, qui ne peut que recueillir des applaudissements (et des votes) du peuple lorsqu'il martèle qu'il fera payer les riches, semble le mieux placé pour faire croire qu'il saura améliorer le sort des Français en prenant en main leur destinée à titre de prochain président de la République.

Les places boursières mondiales ont subi un coup à la baisse il y a quelques jours, face à la perspective que la Gauche s'empare du pouvoir en France. Il n'est pas impossible que l'incertitude liée à cette présumée victoire de monsieur Hollande se fasse sentir encore sur les marchés boursiers. Mais une victoire de la Gauche n'est pas un précédent et ce n'est pas non plus la fin du monde. Les effets négatifs sur les places financières devraient n'être que temporaires...